Culte du 18 août 2024

Méditation du pasteur Jean-Louis Prunier

Jean 6, 51-58

Ezéchiel 2, 8-34

 

 

Ne vous étonnez pas, frères et sœurs, d’avoir déjà entendu le même texte dimanche dernier et le dimanche d’avant. C’est normal, vu que, dans l’Évangile selon Jean, le chapitre 6 s’étend longuement sur le pain de vie, le pain de Dieu descendu du ciel et donnant la vie au monde. Aujourd’hui, dernier paragraphe, Jésus enfonce le clou dans les cerveaux juifs de son temps pour leur faire comprendre qui il est, ce qu’il fait sur terre, et comment conserver la mémoire de son passage et de son action. Et son langage peut surprendre.

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De tous temps, le repas est une institution loin d’être neutre. Il porte en fait l’identité sociale d’une famille, d’un groupe humain, d’un peuple, d’une religion. Ce fut le cas en 70 après Jésus-Christ, après la destruction du temple de Jérusalem. L’identité du peuple hébreu, basée sur la Loi, le Temple, et la terre d’Israël, s’est trouvée laminée d’un coup. La Loi est restée, en se canonisant dans un lieu sacré et interdit aux étrangers, la Thora, écrite en hébreu et non en grec pour n’être comprise que par les juifs. La Terre d’Israël a été perdue … jusqu’en 1948, et est toujours contestée. Le temple ne sera jamais reconstruit, du moins je l’espère, car s’il l’était, une guerre inimaginable serait prévisible. Mais l’institution du temple, après sa destruction, a été transférée, comme l’a bien démontré le sociologue et historien Francis Schmit, dans le repas juif traditionnel, porteur de l’identité juive et interdit aux goyim, permettant la commémoration du temps d’avant ce qui a été perdu. Le repas est donc porteur d’une identité, sectaire, dans le sens de se séparer des autres, et d’une mémoire, celle d’un temps disparu.

Le repas que nous propose l’Évangile de Jean aujourd’hui est du même type, porteur d’une identité qui les séparent du judaïsme, porteur du souvenir du dernier repas de Jésus avec ses douze disciples. Mais ce repas, tel qu’il nous est décrit, n’est pas acceptable. Les juifs ne s’y trompent pas, quand ils posent la question : « Comment celui-là peut-il donner sa chair à manger ? » La problématique est la même pour les Romains qui, vers l’an 100, quand l’Évangile selon Jean a été écrit, considèrent déjà les chrétiens comme les ennemis du genre humain. Ce regard des Romains sur les chrétiens trouve sa source dans une rumeur propagée dans tout l’Empire. On disait que les chrétiens, lorsqu’ils se réunissaient pour un culte dans une basilique désaffectée, lisaient et méditaient leurs évangiles, puis s’isolaient dans un lieu bien fermé, entre baptisés, pour y participer à un repas rituel composé de la chair d’enfants sacrifiés. Vous le voyez, le complotisme n’est pas un phénomène récent !

En fait, l’Église primitive, en s’isolant ainsi pour pratiquer l’ancêtre de l’Eucharistie, construisait son identité chrétienne contre le judaïsme, comme un enfant construit son identité face à ses parents, en conflit. Elle perpétuait en même temps la mémoire de son fondateur. Mais en s’isolant ainsi dans une dérive sectaire, le christianisme, comme je judaïsme, s’est enfermé dans un ritualisme excluant, jusqu’à la Réforme de Calvin, pour qui les sacrements, baptême et Cène, ne sont que des béquilles pour la foi chrétienne, et qui a réouvert au monde l’accès à la Sainte Cène.

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Essayons maintenant de voir ce que nous dit ce texte pour aujourd’hui, ce texte à l’origine de tant de disputes. D’abord, que veut dire Jésus lorsqu’il parle de sa chair ? En grec, le mot « sarx » signifie non pas la viande, mais la totalité de l’être, la vie en quelque sorte. Le même mot a été utilisé par Jean dans son prologue, quand il dit : « Au commencement était la Parole, et la Parole était tournée vers Dieu, et la Parole était Dieu. … En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. … Et la Parole fut faite chair, Elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité. » Donc Jésus-Christ est la Parole incarnée de Dieu. Sa chair, qu’il veut nous donner à manger, est en définitive la Parole de Dieu venue nous apporter le pardon, la foi, le salut, l’amour du Père.

Manger une parole n’a rien d’impossible. Nous buvons bien la parole d’orateurs plaisants, un jeune marié croque son épouse alors qu’elle croquera à son tour son bébé. Et Ezéquiel, on l’a vu, qui mange le livre, comme on dévore un roman policier à la plage, pendant les vacances ! Car manger, c’est aussi s’approprier, faire sien, rendre intelligible, assimilable, ce qui nous est à priori étranger. Pourtant cela ne fait pas de nous, chrétiens, des anthropophages ! D’ailleurs l’anthropophagie était strictement interdite, à cette époque, aussi bien pour les juifs que pour les Romains, et elle l’est toujours.

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Reste le sang de Jésus, qu’il veut nous donner à boire, comme une vraie boisson. Imaginez la tête des juifs quand ils ont entendu ça ! Ils se souviennent en effet de ce texte de la Genèse (Ge 9, 3-5) : « Tout ce qui remue et qui vit vous servira de nourriture, comme déjà l’herbe murissante, je vous donne tout. Toutefois vous ne mangerez pas la chair avec sa vie, c’est-à-dire son sang ! » Ou encore, dans le Deutéronome (Dt 12, 21-24) : « seulement tiens ferme à ne pas manger le sang, car le sang c’est la vie, et tu ne mangeras pas la vie avec la viande. » D’autres textes disent la même chose, le sang c’est la vie, et la vie n’appartient qu’à Dieu. Si les juifs mangent kasher, comment pourraient-ils boire le sang de l’un des leurs, le sang du Christ ?

En définitive, le sang du Christ est celui qu’il a répandu pour nous sur la Croix. Ce sang est à boire symboliquement, comme dans le Saint Graal, le calice mystérieux du Moyen Âge, pour recevoir la vie éternelle, la vie du Christ mourant. Car, sur la croix, la vie du christ s’est écoulée comme son sang, son Esprit s’est envolé vers le Père, d’où il est venu. Trois jours après il ressuscite, pour l’éternité.

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Notre Sainte Cène chrétienne n’est donc pas un festin, comme le dit Esaïe (Es 25, 6) : « de viandes grasses et de vins vieux décantés », ni anthropophagique, ni sanguinaire, ni de la chair et du sang de Christ.

La sainte Cène est d’abord le partage du pain. Le pain est et reste symboliquement ce qui signifie la chair du Christ qui, lui, est la Parole de Dieu incarnée. En mangeant le pain de la Cène, nous faisons nôtre la Parole de Dieu, le livre qui nous la donne, le Christ qui nous la rend vivante. Cette Parole qui nous donne la foi, qui nourrit notre espérance, est tout entière dans ce bout de pain que nous ingérons. De plus, ce pain contient aussi le mémorial du dernier repas, mais surtout la présence du Christ vivant parmi nous.

Ensuite le vin, qui ressemble au sang par sa couleur, et qui est meilleur que n’importe quel jus de fruit, symbolise – et il ne peut en être autrement de par les interdits bibliques – le sang du Christ. Ce sang que l’on ne voit que sur la Croix nous dit et nous redit chaque fois, que Christ est mort et ressuscité pour nous entrainer avec lui dans l’éternité auprès du Père. Ce vin bu par les fidèles des temps modernes nous dit tout de l’espérance chrétienne, celle qui nous habite par la foi, celle qui nous réunit tous les premiers dimanches du mois à Mazamet.

Prenons donc la Cène avec joie et en conscience, frères et sœurs bien-aimés, nous y recevons ensemble l’assurance de la foi en la Parole vivante de Dieu et incarnée en Christ, et l’espérance de la vie éternelle en Christ auprès du Dieu aimant qui est le nôtre.

 

Amen

 

 

 

Annonces pour la semaine du  18 août 2024

 

La semaine dernière, Monsieur Marc Cassagne est décédé. Les obsèques ont eu lieu le 14 août.

Cette semaine, Monsieur Pierre Andrieux est décédé, un temps de prière ce fera ce jeudi 22  à 14h30 au funérarium de Tracktir.

 

 

Jeudi 22 août

  • à 15 h Culte au refuge

 

Dimanche 25 août

    • Journée à la Pierre Plantée: 10H30 Culte, 12h Repas tiré des sacs et 14h Conférence  « A quoi les Protestants ont-ils « servi » dans l’histoire de France? » par Patrick Cabanel.

 

 

Dimanche 1er septembre

  • Culte à 10h30 au Temple St Jacques
  • Culte au  Musée du Désert à Mialet

 

 

 

 

Au musée de Ferrière

  • Du 29 juin au 6 octobre: Exposition artistique exceptionnelle de Jean-Michel Coulon  » L’Appel de la Lumière ».  (Rétrospective à l’occasion des 10 ans de la disparition de l’artiste

 

A Mazamet, ne manquez pas l’exposition  » L’épopée du délainage ».

Si vous avez un peu de temps , il reste des créneaux pour accueillir les visiteurs, vous pouvez  vous inscrire auprès de Jean-David Raynaud .

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

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